Guérir dans sa famille. Par Catherine Pruvost

La naissance marque officiellement notre entrée dans un clan familial qui deviendra le berceau de notre éducation, de nos sources d’amour, de nos joies et de nos pleurs, de nos plaisirs et de nos malheurs.
Si pour certains la famille est un refuge réconfortant pour d’autres elle est source de frustrations, de manques, de maltraitances physiques, verbales, ou psychologiques. Quelque soit notre lien avec notre famille, elle laisse en chacun de nous une trace intime, profonde, et indélébile.

Lorsque nous parlons de clan familial cela inclus bien entendu nos parents, frères, sœurs, grands-parents, oncles, tantes, cousins, proches et éloignés mais pas seulement. Notre clan familial se compose de tous les membres de notre système familial, les lignées d’hommes, de femmes, d’enfants, vivants et décédés appartenant à notre arbre généalogique et qui nous ont précédés. Nous appartenons donc à ce clan familial, et sommes en lien avec chaque membre du clan, nous sommes ce que nous appelons en résonnance. Nos ancêtres ont un vécu, des épisodes de vie, plus ou moins heureux, plus ou moins émotivement intense. Et ils nous en ont laissé une partie en héritage.

Nous sommes déjà familiers avec l’héritage d’un patrimoine génétique provenant tout droit de nos ancêtres, des traits de personnalité, des traits physiques, que ce soit la couleur des yeux, des cheveux, la taille, la morphologie etc. Ici nous parlons d’une autre sorte d’héritage. Sur le plan énergétique, l’arbre généalogique contient des conflits non réglés, des blessures émotionnelles, et divers sentiments comme les peurs, la colère, la tristesse, les peines d’amours, les limitations, les attitudes conflictuelles, vécus par nos ascendants qui vont demeurer suspendus dans le système familial avant d’être redistribués, légués à d’autres membres du clan. Comme si la conscience familiale avait besoin que quelqu’un prenne soin de ce qui n’a pas pu être réglé.

Alors nous découvrons un jour que nous n’avons pas démarré notre existence les mains vides. C’est avec quelques bagages que nous avons fait nos premiers pas sur le chemin de notre vie. En naissant dans une famille nous devenons les héritiers d’une histoire qui conditionne inconsciemment nos choix de vie. La force du système peut nous pousser à imiter des destinées qui ne sont pas les nôtres, ou à renoncer à notre propre bonheur, par amour ou par fidélité à un membre de la famille.

Par exemple :

  • Je vis de l’insécurité, affective, matérielle, financière
  • Je vis beaucoup de solitude, les gens me fuient, je suis invisible même en public on ne me remarque pas,
  • Je ne réussis pas à avoir d’enfant, je suis infertile,
  • Mes relations affectives sont un désastre
  • Je souffre de X syndrome, ou maladie
  • Je vis ceci ou cela à répétition ….
  • Je me sens toujours coupable de tout
  • Je vis beaucoup d’échec, ma vie est un échec,
  • Je fais faillite à répétition, je suis constamment endetté,
  • Je ne sens pas ma place, je ne trouve pas ma place, je n’ai pas ma place,
  • J’ai un mal de vivre, une difficulté à exister,
  • Je vis constamment la peur ; peur de réussir, d’échouer, de manquer, de prendre des décisions, de passer à l’action, de mourir.

Puisque la notion de temps n’existe pas dans ce champ de force, ces conflits, ces drames, ces blessures peuvent se perpétuer au travers des générations et encore aujourd’hui influencer notre quotidien.

  • Se peut-il que je règle une histoire appartenant à mes ancêtres ?
  • que je paye la dette d’un ancêtre ?
  • que je répare une faute ?
  • que je me sacrifie pour alléger le fardeau d’un être cher ?
  • que j’exprime un secret tabou ?
  • Ai-je pris à ma charge une mission implicite qui peut prendre la forme d’obligation ou d’interdiction ?  Obligation de porter un poids, une culpabilité, de véhiculer une rancœur, une interdiction au succès, ou au bonheur.

Alors suis-je au service d’une cause dont je n’ai pas conscience ?

La science découvre aujourd’hui les liens entre les générations. L’exemple de cet ancêtre qui a travaillé toute sa vie en contact avec un polluant et de son petit fils qui a développé sans raison apparente la maladie reliée à ce polluant.  Avant nous disions « vous êtes ce que vous mangez »,  aujourd’hui nous pourrions dire « vous êtes ce que votre mère ou votre grand-mère a mangé. »

Ainsi les traumatismes vécus par les parents ou les grands parents laisseraient une empreinte biologique transmise de génération en génération ? Nous aurions reçu en même temps que le souffle de la vie qui nous anime l’empreinte des drames et des joies vécues par nos prédécesseurs.
Alejandro Jodorowsky nous dit « Les souffrances familiales, comme les anneaux d’une chaîne, se répètent de génération en génération jusqu”à ce qu’un descendant dans ce cas, peut-être toi en prenne conscience et transforme sa malédiction en bénédiction.»

Cela fait presque dix ans que les neurobiologistes, les psychiatres et même les généticiens tournent autour de cette idée d’une trace biologique laissée par les traumatismes chez l’humain.
Certains scientifiques commencent à travailler sérieusement sur cette hypothèse. Parmi eux : Isabelle Mansuy, de l’école polytechnique fédérale de Zurich, en Suisse. Dans une étude publiée il y a quelques temps dans la revue Nature Neuroscience, la chercheuse et son équipe ont montré, chez des souris mâles, qu’un stress intense dans leurs premiers jours de vie modifie la composition cellulaires de leurs spermatozoïdes de façon durable. Ces altérations se retrouvent même chez les générations suivantes. Résultat : leurs descendants, qui n’ont subi aucun stress important, développent néanmoins des troubles du comportement, comparables à ceux de leurs géniteurs. En observant les deux générations suivantes, enfants et petits-enfants issus de ces mâles, les chercheurs ont constaté qu’ils souffraient des mêmes troubles du comportement, et parfois même de manière plus prononcée encore.

Bien avant,  Freud abordait le sujet. Dans Totem et Tabou (Payot, “Petite bibliothèque”, 2001), Freud écrivait : « Nous postulons l’existence d’une âme collective et la possibilité qu’un sentiment se transmettrait de génération en génération se rattachant à une faute dont les hommes n’ont plus conscience ni le moindre souvenir. » La même année, Jung développait l’idée d’une « transmission héréditaire de la capacité d’évoquer tel ou tel élément du patrimoine représentatif ».Il introduit la notion d’inconscient collectif, mémoire de l’humanité à travers l’espace et le temps sous la forme d’instinct et d’archétypes. le nouveau né selon Jung possède à lui seul toutes les connaissances et vécus de son espèce depuis son apparition sur la planète et est intrinsèquement imprégné de la dimension inconsciente de sa propre tribu, de son clan, dimension désignée sous le terme d’inconscient familial.

Et plus tard venait au monde le terme de  psychogénéalogie, mot inventé par Anne Ancelin Schützenberger, une référence incontournable dans le domaine. Cette psychanalyste, professeure de psychologie clinique à l’université de Nice qui a travaillé avec les plus grands ( Françoise Dolto, Carl Rogers, Gregory Bateson, Paul Watzlawick…), et auteur du livre « Aïe, mes aïeux !» (Desclée de Brouwer, 2007), part du principe que nos ascendants nous ont légué plus que nos gènes ou nos traits. Selon elle, les familles sont gérées par des règles de fidélité familiale invisible. Dans chaque famille un système de comptabilité s’assure du respect des règles, déterminant les rôles et obligations de chaque membre de la famille, les autorisations et les interdictions. La psychogénéalogie repère dans le grand livre d’histoire de la famille tout ce qui semble revenir, les répétitions de dates anniversaires, de traumatismes, d’événements, de maladies, de décès. Grâce à ces données, la mise en route d’un travail permet de prendre conscience de l’influence de la vie de nos ancêtres sur notre propre vie, de briser des répétitions qui nous enchainent aux destins de nos ascendants, de nous libérer des emprises familiales qui nous empêchent de vivre notre propre destinée.
C’est un peu le même travail que propose l’allemand Bert Hellinger à travers l’approche des constellations familiales, qui elles aussi révèlent que nombre de nos comportements, sentiments, symptômes ne sont pas liés à notre histoire personnelle mais ont pris leur origine dans une loyauté familiale qui veut qu’une génération reprenne les conflits non réglés des générations précédentes. À partir du travail des constellations nous accédons à ce vaste champ de connaissance familiale qui met en évidence les principes qui régissent le système familial.Ancre Proche du psychodrame, sorte de théâtre thérapeutique où les participants jouent le rôle de nos proches, elle s’effectue en groupe ou individuellement  et permet de rejouer un script, celui de l’histoire familiale, pour en dénouer les intrications et stopper les scénarios répétitifs malheureux. Cette approche est une invitation à lâcher le passé, enrichir son expérience de vie, et changer de perception, qui apporte paix et satisfaction.

Il y avait l’histoire de cette femme qui a l’âge de 30 ans, tout juste après la naissance de son bébé découvrait que son mari la trompait et décidait de le quitter. Se retrouvant seule à élever sa fille, plongée dans l’amertume, elle entreprit un travail sur elle et,  au hasard de ses démarches découvrit la psychogénéalogie. Elle avait déjà ressenti le besoin de travailler cet aspect de sa vie, son existence, sa place de femme au sein de son couple, et au sein de sa famille. Ce travail l’a conduisit à mener une sorte d’enquête au cœur de son système familial. Rassembler les données, les dates de naissance, de décès, de mariage, les noms, s’intéresser aux histoires, monter son arbre, faire des recherches, interroger des gens du village, les administrations, les mairies, les cimetières. Interviewer ses tantes, et grandes tantes. En rassemblant toutes les pièces ramassées elle a pu faire des liens, reconstituer des tranches de vie. Quand elle comprit que le père de sa mère n’était pas son géniteur, et que même depuis plusieurs générations, les filles aînées étaient des enfants illégitimes, elle a ressenti un immense soulagement. Un sentiment nouveau, Elle pu enfin mettre des mots sur ce qu’elle vivait. Elle trouva dans ces découvertes beaucoup de paix et de sérénité. Sa place de femme, de mère, de conjointe en fut touchée. La relation avec sa mère changea. Elle  pu commencer à la regarder et à l’aimer autrement. Grâce au travail de psychogénéalogie, elle libéra d’un fardeau familial qui s’était imposé à elle dans le but d’être pris en charge et guéri.

Ainsi nous comprenons que si notre vie ne reflète pas notre idéal et que cela est le reflet d’un héritage transgénérationnel  nous avons aujourd’hui accès à des approches pour nous guider sur le chemin de la réconciliation et de la libération. Parce que si la vie de chaque être humain est fortement déterminée par son histoire familiale il en demeure possible de reprendre sa destinée en main.

  • Changer de regard sur son histoire,
  • Sortir du jugement,
  • Arrêter les roues de souffrance,
  • Rééqulibrer les forces et les courants qui gouvernent le système,
  • Remettre de l’ordre , restituer des places,
  • Ouvrir son cœur,
  • Guérir,

Se libérer d’une intrication familiale cela veut dire,  intervenir dans l’inconscient familial, impacter tout le système familial, et favoriser le retour d’une plus grande harmonie. Je me libère, je libère mes ancêtres, je libère les générations après moi.

Lumière et bienveillance dans votre vie !