Changer de vie, qui n’y a pas songé? – Par Catherine Pruvost
C’est le souhait de beaucoup et sur le nombre combien finiront par faire le saut ?
Changer de vie cela peut vouloir dire changer de carrière, de statut professionnel, changer de région, changer de pays, s’expatrier loin de ses racines, se séparer d’une relation. Quelque soit le mouvement, tant qu’il nous offre le luxe de sortir d’une routine aliénante, et qu’il nous autorise à vivre une vie plus riche, plus épanouissante, plus connectée à qui nous sommes vraiment et plus proche de ce à quoi nous aspirons véritablement.
Certains le feront par nécessité à cause d’un profond mal de vivre, une incapacité de trouver le bonheur dans leur vie actuelle, perdus dans une éternelle quête de sens. Ou bien parce que la vie les aura confronté, maladie, accident, décès, dépression, licenciement. Tandis que d’autres au contraire, ressentiront simplement une sorte d’appel, une fulgurante soif de liberté, un désir fébrile d’honorer la vie.
On voit fréquemment de tel changement de cap comme l’aboutissement d’une quête existentielle, survenant souvent à cet âge où, on est plus ni tout à fait jeune pour se permettre de perdre du temps, ni suffisamment vieux pour attendre ses dernières années de vie sans réagir.
Ainsi, faire le grand saut peut avoir été motivé par les peurs, comme celle de vieillir malheureux, pire de mourir avec des regrets plus grands que la longueur de leur vie, ou motivé par un désir ardent de ne plus rien gaspiller de la vie qui nous est offerte. Dans les deux cas, il faudra tout de même une bonne dose de courage, ou de folie, ou les deux pour plonger, pour lâcher une sécurité au profit d’une liberté, pour abandonner un confort au profit d’une instabilité, quitter ce qui est connu pour vivre l’aventure de l’inconnu et se trouver à l’aise dans le mystère de ce qui nous attend. Notre entourage est d’ailleurs bien là pour nous rappeler qu’il faut être fou, ou folle pour avoir de telles idées et pour refuser de rester dans une situation qui vous assurera une bonne retraite matérielle, aussi déprimante soit-elle. Seulement voilà de nos jours la courbe dans la hiérarchie de nos valeurs fluctue et l’argent n’est pas toujours la motivation première. Et le bien-être bordel! Les gens veulent aussi vivre mieux ! et surtout vivre leur vie plutôt que la traverser.
Connaissez-vous l’histoire de cette l’infirmière australienne Bronnie Ware, qui s’est occupé pendant plusieurs années de patients en fin de vie. Touchée des témoignages qu’elle entendait, elle a eu l’idée de rassembler dans un livre les dernières déclarations, les derniers souhaits et regrets des personnes qu’elle a accompagnées jusqu’à la mort.
Dans son livre « Les 5 regrets des personnes en fin de vie », Bronnie Ware s’intéresse plus particulièrement à la « clarté de vision que les gens atteignent à la fin de leur vie, et à la façon dont nous pourrions apprendre de cette sagesse».
De tout son travail auprès de ces mourants elle a mis au jour les 5 plus grands regrets des patients dont elles s’est occupés :
1. Je regrette de ne pas avoir eu le courage de vivre ma vie en accord avec moi-même et non pas en fonction des attentes que les autres avaient placées en moi.
« Ca c’est le regret que j’ai le plus entendu entre tous » explique Bonnie Ware. « Quand les gens réalisent que la fin de leur vie approche, ils jettent un regard lucide en arrière et se rendent compte du nombre de rèves qu’ils n’ont pas réalisés. La plupart des gens estimait n’avoir réalisé même pas la moitié de ses rêves et ils voyaient arriver en la mort en réalisant que ces échecs étaient dus à des choix qu’ils avaient faits ou pas faits tout au long de leur vie. Le fait d’être en bonne santé vous accorde une liberté que peu de gens réalisent, jusqu’à ce qu’ils ne l’aient plus. »
2. Je regrette d’avoir consacré autant de temps dans ma vie à mon travail
« Il n’y a pas un seul de mes patients masculins qui ne m’ait pas dit cela à un moment ou un autre. Ils n’ont pas vu grandir leurs enfants, ils n’ont pas passé de temps avec leur partenaire, ils ont négligé de passer du temps avec ceux qui leur sont chers. Les femmes aussi ont formulé ce regret, mais comme la plupart étaient de l’ancienne génération, la plupart de mes patientes n’avaient pas occupé d’emploi en dehors de leur foyer et avait donc passé plus de temps avec leur famille. Tous les hommes que j’ai soignés regrettaient profondément avoir consacré autant de temps dans leur vie à courir après leur carrière et s’être fait happer à ce point-là par la machine du travail. »
3. Je regrette de ne pas avoir eu le courage d’exprimer mes sentiments
« De très nombreuses personnes m’ont dit avoir réprimé ou caché leurs sentiments afin de préserver la paix avec leur entourage. En conséquence, ils se sont installés dans une existence médiocre et n’ont jamais pu se révéler vraiment ni réaliser tout leur potentiel. L’amertume et le ressentiment qui en a résulté a été la cause de bon nombre de maladies qui ont fini par les amener dans mon service de mourants. »
4. Je regrette de ne pas avoir gardé le contact avec mes amis.
« De très nombreux malades n’ont pris conscience de la valeur de leurs anciennes amitiés que quelques semaines avant leur mort, quand il était déjà trop tard pour retrouver ces amis perdus de vue. Bon nombre d’entre eux avaient été à un tel point absorbés dans les péripéties de leur vie qu’ils avaient – peu à peu- laissé les amitiés sincères passer en arrière-plan, voire disparaître de leur horizon. Très nombreux ont été ceux qui regrettaient de ne pas avoir accordé à leurs vrais amis le temps et l’effort que ceux-ci méritaient. Quand on est entrain de mourir, on regrette amèrement ses amis. »
5. Je regrette de ne pas m’être accordé le droit d’être plus heureux.
« Le nombre de gens qui m’ont exprimé ce regret est surprenant. De très nombreuses personnes ont vécu sans réaliser que le bonheur est aussi une affaire de choix. Ils s’étaient laissé enfermer dans des vieux modèles et habitudes routinières. Le soi-disant « confort » qu’offre la familiarité avait débordé dans leurs émotions et teinté leurs vies physiques. La peur du changement les avait conduit à faire croire aux autres et à eux-mêmes, qu’ils étaient satisfaits de leur vie, heureux de leur existence, quand au fond d’eux-mêmes, ils rêvaient de pouvoir à nouveau rire sans encombres et retrouver un peu de folie dans leur vie de tous les jours. »
Il demeure cependant important de prendre cette réflexion très au sérieux. Parce qu’un changement de vie majeure ne devrait pas se faire sur un coup de tête, sans assurer un minimum ses arrières, sans avoir évalué, s’assurer que le changement que nous imaginons n’est pas juste un fantasme ou bien une fuite qui risque de me faire répéter la même histoire ailleurs. Ceci dit, je connais des histoires de coups de tête qui ont été des succès.
Je me souviens il y a une vingtaine d’années d’avoir accueillie une petite famille d’Européens qui arrivait à Montréal pour s’installer. Ils sont arrivés par un samedi de pluie tout gris, je les ai installés dans un appartement. En réglant avec eux les formalités ils m’ont raconté leur histoire. Ils n’en pouvaient plus de leur vie et avaient décidé de s’expatrier. Après un an et demi de démarches et procédures administratives pour immigrer, ils avaient fini par obtenir les autorisations nécessaires pour s’installer au Canada ! Le rêve allait se réaliser. Les parents ont quitté leur emploi, les enfants ont dit au revoir à leur école, leurs amis, ils ont vendu leur maison, leurs meubles. TOUT ! Pour vivre ce grand changement de vie, croyant que loin de chez eux, ils allaient enfin vivre la vie dont ils rêvaient. J’ai quitté l’appartement pour les laisser se reposer et défaire leurs bagages en leur proposant de revenir les voir le lendemain.
Lorsque je les ai revu le dimanche après-midi, soit 24 heures après leur arrivée, leur décision était prise. Ils ne resteraient pas. L’angoisse s’étaient emparé d’eux, Ils s’étaient trompé, ils souhaitaient reprendre le premier avion pour l’Europe. Ils étaient arrivés avec l’espoir de se créer une nouvelle vie dans un nouveau lieu mais n’avaient pas assumé ce choix une fois devenu réel.
Je les ai invités à s’asseoir, à discuter, à en parler. Rien n’aurait pu alors les faire changer d’idée. Il y avait une urgence de repartir et retourner dans cette vie qui les avait conduits à faire ce choix. Je n’ai plus eu de nouvelles. Ils sont repartis le lundi après avoir passé 48H sur notre territoire. Je préfère imaginer que cette expérience leur a permis de ne pas retomber dans les mêmes ornières et qu’ils ont su retirer quelques fruits de cette aventure.
Mon histoire à moi est plutôt un contre-exemple puisque j’ai moi-même tout quitté sur un coup de tête dans une période de grands bouleversements ou tous les aspects de ma vie étaient en déboire en même temps. Je tenais le discours de vouloir vivre ma vie ailleurs depuis longtemps et la décision est arrivée comme une évidence. J’ai liquidé mes affaires et j’ai pris un billet d’avion. Je n’avais rien préparé, n’avais fait aucune démarche administrative, je ne connaissais personne, je n’avais pas beaucoup d’argent. ET voilà l’avion s’est posé en août 1993 et j’ai ressenti cette nouvelle vie qui commençait, et avec, la sensation vibrante d’être à la bonne place. Ce sentiment ne m’a jamais quitté et jamais je ne me suis demandé ce que je faisais ici ni si je voulais retourner dans mon pays. 24 ans plus tard je ne peux que me réjouir d’avoir fait ce choix.
Je ne crois pas que tout le monde devrait faire de tels changements. Ce que je sais c’est qu’il n’y a pas de bonne ou moins bonne façon de vivre sa vie. Il y a LA FAÇON qui s’accorde pleinement avec qui nous sommes, celle qui est à l’écoute de nos besoins, celle qui fait honneur à nos valeurs, celle qui a pris le temps de se déposer pour guérir les blessures du passé et pour ouvrir son cœur aux espoirs du futur.
Lumière et bienveillance dans votre vie !